La transmission du patrimoine est un sujet important pour de nombreuses personnes. Lorsqu’il s’agit de protéger les biens et avoirs financiers acquis tout au long d’une vie, une réflexion sérieuse s’impose. Dans la majorité des cas, la plupart des Français optent pour une donation au dernier vivant avec l’objectif premier de protéger son conjoint. Mais comprennent-ils réellement les effets qui peuvent s’attacher à cet acte pas si anodin que cela ?
Juridiquement, la donation au dernier des vivants est une convention par laquelle un époux exprime la volonté de laisser, lors de son décès, à son conjoint (exclusion donc du concubin et du partenaire) tout ou partie de ses biens présents et futurs dans la limite permise par la loi (réserve héréditaire). Elle peut être établie à travers un contrat de mariage, un acte de donation ou encore un testament. Dans tous les cas, elle aura les mêmes conséquences successorales. La seule différence réside dans la révocabilité de cette dernière, qui varie en fonction de l’option choisie. Dans un langage un peu plus courant, la donation au dernier vivant permet d’améliorer la part d’héritage du conjoint survivant.
Afin de bien cerner le mécanisme qui se cache derrière ces termes, il est nécessaire de prendre en considération la situation sui generis de chaque client. En effet, la dévolution légale donne deux options au conjoint survivant, lorsque tous les enfants sont issus des deux époux : l’usufruit de la totalité des biens existants ou la pleine propriété du quart des biens. A contrario, en présence d’enfant non-commun (famille recomposée), le Code civil cantonne le conjoint à la propriété du quart des biens (article 757 du Code civil) et ce, dans le but de protéger les droits des descendants réservataires issus de la première union.
Cependant, certaines personnes souhaitent contourner ce schéma afin d’accorder à leur conjoint une part d’héritage plus importante. Pour cela, elles disposent de plusieurs mécanismes juridiques dont fait inéluctablement partie la donation au dernier des vivants. Effectivement, lors de la rédaction d’une telle convention, d’autres options s’ajoutent à la dévolution successorale. Ainsi, lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, la donation au dernier des vivants donne deux options supplémentaires au conjoint survivant : la pleine propriété du quart des biens ainsi que les trois quarts en usufruit ou la quotité disponible en pleine propriété. Pour rappel, la quotité disponible dépend du nombre d’enfant. En présence d’enfant non-commun, la donation au dernier des vivants rajoute non pas deux mais trois options : l’usufruit de la totalité des biens existants (option qui avait, de facto, disparue en vertu de la présence d’enfant du premier lit), la pleine propriété du quart des biens ainsi que les trois quarts en usufruit ou la quotité disponible en pleine propriété.
Bien que l’idée de protéger son conjoint puisse sembler excellente à première vue, la réalité peut être différente en pratique. Prenons l’exemple d’un(e) chef(fe) d’entreprise dont les descendants ont pour objectif de reprendre, in fine, ladite entreprise. Dans ce cas précis, la présence d’une donation au dernier vivant donnerait l’opportunité au conjoint survivant d’opter pour l’usufruit de la totalité des biens existants (choix très favorisé en pratique).
Cependant, s’il est communément admis que l’usufruitier n’est pas associé (Cass. Civ.3, 29 nov.2006 n°05-17009), certaines prérogatives attachées à cette qualité lui sont néanmoins reconnues. À titre d’exemple, l’article 582 du Code civil lui donne la possibilité de jouir des fructus que peut produit l’objet dont il a l’usufruit. Le bénéfice de l’entreprise appartient donc, de facto, à l’usufruitier en pleine propriété. Précisons que cela peut être du bénéfice courant (revenus d’immeubles ou des valeurs mobilières détenus par la société par exemple) mais également du bénéfice exceptionnel (plus-values de cession d’un immeuble par la société par exemple). Dans ce cas précis, les descendants ne pourront donc percevoir un quelconque avantage financier produit par l’entreprise.
Par conséquent, il est important d’avoir conscience que la donation au dernier vivant ne convient pas nécessairement à tous les types de patrimoines. Une évaluation minutieuse de votre situation personnelle est essentielle pour éviter que cette stratégie de planification successorale ne devienne préjudiciable pour vos descendants.