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Disney : la chute boursière de la multinationale

Troisième partie

Alors que Disney annonçait des résultats records en 2019, elle voit sa progression s’arrêter en 2020 en raison de la crise du COVID-19. L’activité des parcs d’attractions, des hôtels, des croisières et des studios est à l’arrêt. C’est plus de 4,7 milliards de perte pour l’année 2020. L’action jusqu’alors cotée à environ 150 dollars subit une baisse jusqu’à atteindre le montant fatidique 78 dollars. Cette baisse est compréhensible, car comme des millions d’entreprises, l’activité est à l’arrêt en raison de la pandémie mondiale.

A la reprise de l’activité, en partie grâce à sa plateforme de streaming mais surtout à la suite de la réouverture des parcs et des activités hotellières, l’action monte à sa plus haute cotation jamais atteinte en mars 2021, soit 203 dollars. Pourtant, dès novembre 2021, l’action recommence à chuter jusqu’à avoisiner à ce jour les 83 dollars. Enfin, cela fait maintenant 2 ans que la société n’a pas distribué de dividendes à ses actionnaires.

Voici plusieurs éléments qui expliquent la chute du géant aux grandes oreilles.

Le rachat du média Century Fox

 

En 2019, le rachat de la Fox annoncé en 2017 se concrétise. La transaction coûte au total 71 milliards de dollars. C’est un évènement marquant dans l’industrie cinématographique car Disney grâce à ce rachat dispose de droits importants sur de nombreuses franchises et assoit son empire dans le monde des médias et de la production cinématographique.

Plusieurs analyses semblent se rejoindre sur le fait que cet achat ne soit pas des plus judicieux ou pour le moins qu’aujourd’hui, l’acquisition de Fox n’offre pas toute la valeur attendue.

Les arguments avancés sont :

  • la désertion des salles de cinéma par les spectateurs, réduisant le chiffre d’affaires espéré.
  • un rachat à un prix trop important, selon M. Peltz qui à travers son fonds Trian Fund Management est devenu un important actionnaire de la société.
  • un endettement trop important résultant du rachat et impactant les finances du groupe, obligeant Disney à se concentrer sur les grosses productions du studio pour espérer un gros gain.

Cela a aussi un impact sur la trésorerie disponible de Disney. Celle-ci a été divisée par 9 entre 2019 et 2022.

L’érosion des services de télévision

 

Depuis 2012, ce sont 25 millions de personnes qui ont résilié leur abonnement aux chaînes proposées par Disney.

D’un point de vue sociétal, les téléspectateurs ont tendance à s’éloigner de la télévision pour se rendre sur les plateformes de streaming payant ou sur d’autres types de médias accessibles par internet.

 
Le demi-succès des plateformes de streaming.

 

Le lancement de Disney + pendant le covid est un succès, ce qui permet à sa cotation boursière d’exploser.

Post-covid et avec un peu plus de recul sur l’analyse des profits de l’activité, on assiste à un effondrement des plateformes de streaming qui peinent à être rentables et à trouver un modèle économique stable.

En effet, les dépenses de l’activité ont un coût très important au regard du chiffre d’affaires réalisé, créant un déficit financier pour Disney.

Autre épine dans l’activité du streaming, la création de Disney+ Hotstar spécialement pour l’Inde. La compagnie sur cette plateforme a fini par perdre 12,5 millions d’abonnés (1/4 de ses abonnées indiens) en raison de l’abandon des droits sur les matchs sportifs de criquet de la ligue indienne.

La perte est telle que la société envisage la revente de sa plateforme de streaming Disney+ Hotstar, potentiellement à son concurrent direct indien Reliance, pour un montant compris entre 7 et 10 milliards d’euros. Les pertes en 2022 s’élevaient à près de 1,5 millions de dollars.

Disney+, à l’instar des autres plateformes de streaming, doit augmenter ses coûts d’abonnement pour rechercher une rentabilité et lutter contre le partage de comptes.

Pour conclure sur le streaming, Disney + a perdu plus de 4 millions d’utilisateurs dès le début de l’année 2023. Des stratégies doivent être mises en place pour permettre la conservation et la fidélisation de ses utilisateurs.

 
La perte d’activité des parcs Disney

 

Une des sources majeures du chiffre d’affaires de Disney, ce sont ses parcs d’attractions. Lors du COVID, ceux-ci ont dû être fermés, ce qui a engendré à une perte de 85% du chiffre d’affaires sur cette activité au 3ème trimestre 2020 et par conséquent la chute du cours de l’action Disney.

Heureusement, la fin des mesures contre le COVID-19 a permis la réouverture des parcs et des hôtels et l’activité a repris de plus belle, générant un chiffre d’affaires conséquent, d’autant plus que post-covid, les clients se sont faits plus nombreux grâce à un effet de « retour à la normalité ».

La décision d’augmenter les tarifs des parcs et hôtels a été prise dans un objectif d’accroissement de la rentabilité et de permettre, grâce à ce nouveau chiffre d’affaires, de combler les déficits nombreux dans les autres activités du groupe.

Cette décision n’a malheureusement pas eu l’effet escompté, l’augmentation a rendu les parcs moins accessibles, les abonnements annuels sont plus chers et offrent moins d’avantages aux clients habitués du parc. Les clients ont, pour une partie, délaissé les parcs d’attractions.

Bob Iger, le PDG actuel de Disney a lui-même reconnu en 2023 que la politique de prix était trop agressive. Une nouvelle stratégie va être mise en place pour permettre l’accessibilité de la magie de Disney tout en recherchant à augmenter les résultats financiers des parcs.

Le changement de président

 

Bob Chapek avait été nommé à la direction de la compagnie à la suite du départ de Bob Iger, qui est resté PDG pendant plus de 15 ans. Les décisions de Chapek ne conviennent pas, l’activité économique de Disney périclite, la passation semble avoir mal été organisée.

Un évènement marquant est le retard de Bob Chapek dans la prise de position sur un projet de loi visant à interdire l’enseignement de thématiques telles que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à l’école primaire. Il est alors très vite critiqué par des mouvements LGBTQI+ sur sa prise d’opposition tardive et de l’autre côté, en s’opposant au pouvoir politique de Floride, il déclenche le vote d’une loi « représailles » venant réduire l’autonomie de Disney en Floride.

Le conseil d’administration fini par remercier Bob Chapek et annonce le retour de Bob Iger en novembre 2022.

Bob Iger explique alors sa volonté de travailler sur la rentabilité de Disney + et des autres activités de streaming afin de permettre un retour à l’équilibre en 2024. Il annonce ainsi une volonté de réduire les coûts de 5,5 milliards de dollars.

Bob Iger bénéficiait d’un capital sympathie permettant un regain d’optimisme quant au futur de Disney, néanmoins dans son objectif de réduction de coût, il prévoit une restructuration de l’activité avec une rationalisation des dépenses, passant notamment par la suppression de 7 000 emplois.

Cette décision engendre une crise sociale qui vient s’ajouter à la crise des scénaristes et acteurs d’Hollywood.

 
La crise sociale

 

C’est au total 7 000 employés qui vont perdre leurs emplois à la suite des annonces de Bob Iger sur le projet de restructuration et de réduction des coûts. L’annonce est faite sans chaleur humaine et avec une vision financière, on reproche à la direction de Disney le manque d’empathie et une décision brutale.

Cette annonce est d’autant plus difficile qu’Hollywood connait déjà un mouvement de grève en raison des conditions de travail et de la concurrence de l’IA sur le secteur.

De nombreuses sorties de films sont repoussés et des projets sont arrêtés.

Finalement, plus de 210 millions de dollars d’indemnités de licenciement sont versées aux salariés licenciés.

 
La crise sociétale

 

Disney est accusé de « wokisme » au regard de ses positions politiques, une partie des américains considérant la compagnie comme trop engagée dans la sphère politique, comme la prise de position contre la loi « Don’t Say Gay ».

D’un autre côté, Disney est accusé de ne pas prendre assez position et de faire de la cancel culture ou de censurer certaines scènes LGBTQI+ dans ses productions. Une partie de la population considère que la firme reste fébrile dans sa prise de position et ne va pas assez loin dans la promotion de la diversité de cultures, races et de l’acceptation des genres qu’avait promise Bob Iger en 2015.

Le résultat est une dégradation de l’image de Disney qui faisait autrefois partie des marques les plus appréciés des Américains et qui maintenant se situe au fond du classement.

Aux Etats-Unis, l’appel au boycott d’une marque est une pratique qui a un réel impact sur les activités de la marque, les consommateurs suivant effectivement le boycott. Les deux camps accusant Disney, soit d’être trop ouvert, soit de ne pas l’être assez, font chuter sa popularité et ses recettes.

 
La crise artistique

 

Disney avait misé sur PIXAR pour son aspect artistique avec de grands succès comme Toy Story, Némo, Ratatouille…

Il semblerait néanmoins que les nouvelles productions aient baissé en qualité, elles sont critiquées comme étant moins originales, se ressemblant les unes avec les autres et ne faisant plus vivre de magie aux spectateurs.

Cela peut s’expliquer en partie par la perte de John Lasseteur, l’ex-directeur créatif de Pixar qui a été à la source de nombreux succès de l’entreprise. Son départ était néanmoins nécessaire car relatif à des scandales internes en raison de comportements déplacés et ambiguës envers des salariées.

La question de l’avenir de PIXAR reste aujourd’hui en suspens, certains parlent d’une potentielle revente du studio ou alors d’une suppression totale de celui-ci, il n’empêche que cela reste une problématique de plus dans la botte de Disney.

Les dernières sorties au box-office ne sont pas les succès attendus, comme les Gardiens de la Galaxie 3 ou encore le remake de la Petite Sirène.

Les critiques sont nombreuses tant sur le côté artistique que sur le côté sociétal comme évoqué précédemment.

Cette crise artistique est l’un des enjeux de Disney pour réussir à renflouer ses finances et continuer à faire vivre la magie de Disney.

Ces nombreuses débâcles obligent Disney à revoir sa stratégie et à opérer des choix stratégiques concernant le futur de la société.

Les solutions possibles et les pistes envisagées

 

Bob Iger a annoncé avoir atteint la réduction des coûts communiquée lors de sa prise de poste, soit plus de 5,5 milliards de dollars.

Le chiffre d’affaires du premier trimestre 2023 n’est néanmoins pas au niveau escompté.

Au niveau des services de streaming, la perte a été divisée de moitié par rapport à l’année d’avant mais les recettes télévisuelles ne sont toujours pas au rendez-vous et continuent de diminuer.

Le groupe Disney Parks, Experiences and Products voit quant à lui son chiffre d’affaires et son bénéfice augmenter.

Bob Iger souhaite effectuer une transformation sans précédent, continuer la restructuration de l’entreprise afin de la rendre plus efficace et de restaurer la créativité.

Disney va bientôt lancer son offre avec une application unique, Hulu sera intégré sur Disney +, permettant un fort potentiel publicitaire. L’objectif de cette fusion est de fidéliser les utilisateurs par l’augmentation de leur engagement et de pouvoir augmenter la tarification de ses services.

Le groupe prévoit une augmentation du budget pour la production de contenus et l’investissement dans les parcs, le développement des attractions et de la créativité.

Disney annonce un investissement de 60 milliards de dollars dans les 10 prochaines années, notamment dans les parcs d’attractions et les bateaux de croisières afin de restaurer la magie de Disney.

Si l’on ne peut pas dire que Disney est au bord du gouffre, sa politique d’investissement témoigne d’une volonté de remise en question. Faire renaître la créativité pour redonner le goût de la magie à un public de plus en plus critique est l’enjeu majeur des 10 prochaines années de ce mastodonte du divertissement. Souhaitons-lui bonne chance afin que les générations futures puissent, tout comme nous, s’émerveiller et s’imaginer vivre des aventures épiques et féériques.